Château de Clermont

Aux origines de Clermont et du Cellier

Une hypothèse sur l'origine sémantique du Cellier repose sur le mot celle, ou cellule, des moines de l'abbaye de Montclair. Cette abbaye fut détruite au IXe siècle lors des invasions normandes. Elle était juchée sur les hauteurs du coteau, sur le Mont Clair. Ainsi « Clermont » résulterait d'un jeu linguistique et d'une erreur orthographique… Une archive de 1385 fait mention d'une « seigneurie de Clairmont », appartenant à Richard de Bocigné (Bourcigné, Bourcigny ou encore Borigny), fondée sans doute par l'évêque de Nantes, à une date inconnue, et dont le premier titulaire eut été Thébaud de Clairmont.

Un premier château, construit dès 1483, passait pour « un des plus beaux de l'évêché » mais aucun document ne précise le sort qui lui fut réservé. Les descendants de Richard de Bourcigné cédèrent le domaine en 1523 à Christophe Brecel, seigneur de la Seilleraye et sénéchal de Nantes. En 1550, sa fille Mathurine Brecel épousa et apporta en dot le domaine à Jehan Chenu, seigneur de l'Endomière, de Bois-Garnier et de Saint-Philbert en Anjou. Son petit fils, René Chenu, gentilhomme de la chambre du roi et gouverneur au nom du duc de Montmorency, puis du prince de Condé, des châteaux d'Oudon et Champtoceaux, fit construire le château que nous connaissons aujourd'hui. Ses droits seigneuriaux s'étendaient sur la paroisse presque toute entière et sa fortune territoriale était considérable, ce qui explique, en partie, l'importance et la noblesse de la construction qu'il entreprit.

Une architecture du XVIIe siècle

Le très grand château que nous connaissons a été construit de 1643 à 1649, époque de la minorité de Louis XIV et de la régence de sa mère, Anne d'Autriche.

Il est resté pratiquement intact et tel que le montre une aquarelle de cette époque (Collection Gaignières, Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale à Paris, http://gallica.bnf.fr )

Les diverses parties du corps de logis, en brique rouge et pierre blanche reçoivent de façon indépendante de hautes toitures d'ardoise bleue. Ces contrastes chromatiques saisissants caractérisent le style Louis XIII dont la réalisation la plus emblématique est, à Paris, la Place des Vosges.

Dans le corps de logis, le pavillon central, surélevé d'un attique, sert de cage à l'escalier d'honneur. Il supportait à l'origine un campanile.

Conformément au modernisme du début du XVIIe, le château de Clermont est composé d'un corps de logis, flanqué de deux ailes latérales servant de remises, écuries, serres et chambres pour les serviteurs. Une galerie pour les fêtes et les bals se trouvait au premier étage de l'aile droite. À la jointure des ailes avec le corps de logis se trouvaient, à droite les cuisines, à gauche la chapelle dont l'autel a conservé son beau retable d'origine. Au milieu des ailes s'ouvrent des passages voûtés qui conduisent à droite aux jardins, à gauche à la cour de ferme.

Jusqu'alors, les châteaux étaient conçus avec des ailes de même hauteur, ou presque, que le corps principal. Leurs cours d'honneur présentaient un aspect fermé, défensif, rappelant l'antique besoin de se protéger des brigands.

Clermont innove en allégeant considérablement les ailes latérales. Profitant des observations des architectes français à Rome et en Vénétie, elles sont réduites de hauteur et italianisées.

En revanche, l'usage ancestral des tourelles d'encorbellement est maintenu.

Cette référence aux formes anciennes, tout comme l'introduction de mâchicoulis sur les pavillons d'angle, contribuait à asseoir la demeure dans un idéal chevaleresque et à affirmer une puissance nobiliaire.

De célèbres propriétaires

Le château fut construit pour les Chenu, une famille de grands administrateurs militaires, vassaux des princes de Condé dont ils obtinrent une vive reconnaissance consécutive à d'importantes prises d'armes. Cette reconnaissance dut participer aux proportions princières de Clermont. René Chenu, le père (1599-1672) fut longtemps gouverneur des places fortes d'Oudon et de Champtoceaux qui commandaient le cours de la Loire plus en amont. Hardy Chenu, son fils (1621-1683) fut conducteur et visiteur général des fortifications, villes, châteaux et places fortes de Bretagne.

Le château de Clermont passa par alliance à la famille de Claye (ou Clais) en 1711, puis en 1737 aux La Bourdonnaye (de Liré). C'est à la fin du XVIIIe siècle que fut établie la bergerie royale de Clermont « destinée à essayer dans les départements de l'Ouest l'éducation des moutons mérinos ». Puis le domaine passa par héritage aux Juchault des Jamonières en 1791.

Pendant la Révolution, le château fut occupé par les troupes républicaines pour surveiller la Loire.

Sous la Restauration, la terre de Clermont fut érigée en baronnie. Le domaine fut vendu en 1853 au baron de Lareinty, puis de nouveau en 1861 au comte Léon Nau de Maupassant. Celui-ci eut un fils, Charles, qui épousa en 1912 Marie Barthélémy. Le célèbre acteur Louis de Funès qui épousa Jeanne Barthélémy, nièce de Marie, y résida entre 1967 et 1983. Il entreprit des travaux de restauration, et il créa une serre de raisins de table ainsi qu'une magnifique roseraie.

Louis de Funès, le jardinier de Clermont

C’était il y a 30 ans, mais l’ancien fermier de Clermont, Joseph Reléon, 88 ans, se souvient parfaitement du 27 janvier 1983. "Le téléphone s’est mis à sonner très tard : Ouest-France nous demandait si on savait quelque chose sur de Funès. Mais nous, on n’avait rien vu de spécial ! Ce n’est que le lendemain matin, à la traite, qu’on a allumé le petit poste radio accroché dans l’étable et qu’on a entendu la nouvelle".

Louis de Funès avait été victime d’un nouvel infarctus dans son château du Cellier. Transporté au CHU de Nantes, il y est décédé à l’âge de 69 ans.

Clermont était le refuge, le havre de paix du plus grand acteur comique français. Son épouse Jeanne était la nièce de l’ancien propriétaire, Charles Nau de Maupassant. Déjà héritière d’une partie du domaine, elle en acquiert le restant en janvier 1967, lors d’une vente à la bougie. Le succès phénoménal de La Grande vadrouille permet aux de Funès d’envisager la restauration du château, inhabité depuis 6 ans. La ferme fait partie du lot : "Ils ont fait faire des réparations sur notre maison et les bâtiments de ferme avant même le château ! souligne Joseph. Ils ont aussi fait amener l’eau courante".

À cette époque, l’acteur passe le plus clair de son temps entre son appartement parisien et les plateaux de cinéma. Ce n’est qu’en 1975, après un premier accident cardiaque, que les de Funès s’installent définitivement à Clermont. Louis peut s’adonner pleinement à sa passion du jardinage. "Il veille personnellement sur ses 600 rosiers", écrit Bertrand Dicale(1). "Il ne considère pas le jardin comme un hobby superficiel et distrayant. Il s’y consacre avec la même passion féroce qu’à ses tournages". Un Cellarien, Victor Caillibot, l’assiste comme jardinier. Interdiction lui est faite d’utiliser des produits chimiques : à Clermont, on cultive bio avant l’heure ! "En dehors du jardinage, mon père vivait tout simplement l’instant, profitait d’une discussion, s’arrêtait pour contempler un cèdre, cueillait quelques fleurs pour les offrir à ma mère ou méditait durant une partie de pêche", raconte Olivier de Funès, son fils. "Lorsqu’il semblait inactif, il se concentrait, souvent sur son métier. Il accumulait de l’énergie comme le font les grands concertistes". Car Louis de Funès continue à tourner, même si c’est à un rythme beaucoup moins soutenu.

De 1975 à 1983, il joue dans six films, dont L’Aile ou la cuisse, L’Avare et deux épisodes du Gendarme. "Il prenait un immense plaisir à discuter avec les habitants du bourg".

Au Cellier comme ailleurs, c’est une "vedette". Mais Louis de Funès s’attache à rester simple, fuit les admirateurs trop pressants et ne reçoit guère de célébrités. Le dimanche, il assiste à l’office, puis va s’entretenir avec le curé dans la sacristie. "Comme ça, il pouvait repartir sans qu’on vienne l’embêter", sourit Joseph Reléon, qui se rappelle ses visites à la ferme : "Il s’asseyait sur une botte de paille et racontait des histoires, mais jamais sur son travail".

"Il prenait un immense plaisir à discuter avec les habitants du bourg : Marie Clément qui tenait le restaurant du bord de Loire, les Reléon, les commerçants… " confirme Olivier de Funès.

"Les dialogues s’en tenaient aux nouvelles du bourg, au climat de l’année, mais ils étaient surtout émaillés de propos gentils, de souhaits de bonheur, de compassion. On pourrait presque dire que les gens du Cellier ont contribué à sa carrière de par la sérénité qu’ils lui donnaient. Quel contraste avec la futilité des discussions mondaines de la capitale !"

(1)"Louis de Funès de A à Z", Tana éditions.

 

En 1986, une S.C.I. acheta le château et y accueillit une association pour le développement des alternatives à l'hospitalisation (ADAH) à l'intention des personnes handicapées atteintes de trouble mentaux. Il fut finalement racheté en 2005 par un promoteur immobilier qui entreprit de gros travaux pour la revente en 45 appartements de prestige. Le château de Clermont est inscrit monument historique depuis 1941.